La variation de la forme du verbe selon son objet

Observez les exemples suivants :

Pailai om ci ik’uc.

 

Ce chien mord. (sous-entendu, c’est un chien méchant)

Nina ci k’uce waea.

 

Nina mord (c’est-à-dire, mâche) de la canne à sucre.

Pailai ci k’uze ore morow.

 

Le chien mord l’enfant.

 

Pailai ci k’uli bon.

 

Le chien le mord.

Pailai ci k’uli Mishel.

 

Le chien mord Michel.



Comment expliquez-vous la variation de la forme du verbe dans les phrases en nengone, alors que l’équivalent de traduction « mord » ne change pas de terminaison en français ?
  Réponse

• Les verbes en nengone ne changent pas de forme selon l’expression du temps. La temporalité est exprimée par des particules aspecto-temporelles indépendantes et par des adverbes de temps. Les verbes ne changent pas non plus de forme selon la personne et le nombre du sujet (voir la leçon 9).

En revanche, de nombreux verbes changent de forme selon, d’une part, qu’ils sont intransitifs ou transitifs, et, d’autre part, s’ils sont transitifs, selon la nature de l’objet qui les accompagne.

Prenons l’exemple du mot qui signifie « mordre ». Il se présente sous quatre formes différentes :

1. La forme intransitive :

Pailai om ci ik’uc. Ce chien mord. (sous-entendu, c’est un chien méchant)

Dans ce cas, le verbe est employé seul, sans objet.


2. La forme transitive indéterminée :

Nina ci k’uce waea. Nina mord (c-à-d. mâche) de la canne à sucre.

Cette fois, le verbe est suivi d’un objet. Ce dernier se présente sous la forme d’un nom sans déterminant. Ce nom ne désigne pas une entité spécifique et localisée. Il renvoie à une classe d’êtres ou de choses de manière générale et vague. Le caractère indéterminé de l’objet est souvent rendu par l’emploi d’un article partitif dans la traduction française (du, de la). Le verbe et son objet indéterminé constituent un bloc insécable ; les adverbes ou les directionnels sont nécessairement placés après l’objet :

Nina <hna k’uce waea yawe> Nina a encore mâché de la canne à sucre.

Mais on ne peut pas dire *[brown]Nina hna k’uce yawe waea.[/brown]

C’est aussi cette forme transitive interminée qui s’emploie devant l’interrogatif[brown] nge [/brown] ’quoi ?’.

Nina ci k’uce nge ? Que mord (ou mâche) Nina ?


3. La forme transitive déterminée :

Pailai hna k’uze ore morow. Le chien a mordu l’enfant.

Pailai hna k’uze o se morow. Le chien a mordu un enfant.

Le verbe est suivi d’un objet qui se présente sous la forme d’un nom ou d’un groupe de mots introduits par les articles ore ou o. Cet objet réfère cette fois à un ou plusieurs êtres ou choses spécifiques. Les adverbes ou les directionnels sont placés avant l’objet :

Pailai <hna k’uze yawe> ore morow. Le chien a encore mordu l’enfant.


4. La forme transitive personnelle :

Pailai hna k’uli bon. Le chien l’a mordu.

Pailai hna k’uli Mishel. Le chien a mordu Michel.

Le verbe est suivi d’un objet, mais il s’agit cette fois d’un pronom personnel ou d’un nom propre. Comme avec la forme indéterminée, le verbe et son objet personnel constitue un bloc insécable ; les adverbes et les directionnels sont placés après l’objet :

Pailai <hna k’uli bone yawe>. Le chien l’a encore mordu.

Mais on ne peut pas dire *[brown]Pailai hna k’uli yawe bon.[/brown]

La forme transitive personnelle accompagne également l’interrogatif [brown]la[/brown] ’qui ?’.

Pailai hna k’uli la ? Qui le chien a-t-il mordu ?

• Dans les faits, tous les verbes ne se présentent pas toujours sous quatre formes différentes, et cela pour plusieurs raisons. D’abord, parce que certains verbes sont invariables. C’est le cas par, exemple, de [brown]ule [/brown] ’voir’, [brown]taedrengi [/brown] ’écouter’,[brown] there [/brown] ’chercher’ ou [brown]nue [/brown] ’laisser’ :

Inu ci ule. Je vois.

Inu ci ule ore pailai. Je vois le chien.

Inu ci ule Nina. Je vois Nina.

Ensuite, parce que tous les verbes n’ont pas nécessairement quatre variantes formellement distinctes. Certains verbes sont uniquement intransitifs (exemples : [brown]hne [/brown] ’rester’, [brown]a[/brown] ’ouvrir la bouche’) ou uniquement transitifs (exemple :[brown] rue [/brown] ’faire’,[brown] begil [/brown] ’redresser’), d’autres n’ont pas de variante transitive personnelle (exemple :[brown] t’ize[/brown] ’déraciner’,[brown] sin [/brown] ’pêcher à la canne à pêche’). Enfin, parce que la forme personnelle est très souvent identique à la forme indéterminée.

Vous apprendrez ces flexions à l’usage. Dans le lexique de ces leçons, nous adoptons la présentation suivante : La première forme citée est la forme intransitive, lorsqu’elle existe, séparée des formes transitives par une barre verticale. Les formes transitives, séparées par des barres obliques, sont ensuite citées dans l’ordre suivant : déterminée, indéterminée, personnelle.

ik’uc | k’uze / k’uce / k’uli
intransitive   trans. déterminée   trans. indéterminée   trans. personnelle

’mordre’

Si le verbe est invariable ou s’il est toujours intransitif, seule une forme apparaît :

ule voir

a ouvrir la bouche

Les verbes qui n’ont pas de formes intransitives se présentent dans le lexique de la manière suivante (verbe couper) :

k’oze / k’oce / koli
trans. déterminée   trans. indéterminée   trans. personnelle

Ceux dont la forme personnelle équivaut à la forme indéterminée se présentent ainsi (verbe appeler) :

k’ayè / k’ayon / k’ayo
intransitive   trans. déterminée   trans. indéterminée et personnelle

La flexion la plus régulière est celle qui est illustrée par le dernier exemple. À partir d’un radical (ici,[brown] k’ay[/brown]), la forme transitive déterminée est obtenue par une suffixation en[brown] -on[/brown], et les formes indéterminée et personnelle par une suffixation en[brown] -o[/brown]. C’est ce procédé qui est utilisé pour les emprunts.

[brown]separe | separeon/separeo[/brown] ’séparer

Bushengon ha separe. Ils se sont séparés.

Inu hna separeon ore rue waicahman. J’ai séparé les deux garçons (qui se battaient).

Inu hna separeo bushengon. Je les ai séparés.


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