La composition
Observez l’exemple suivant : |
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’mayeno ‘école’ vient de :
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’ma ‘maison, salle’ et yeno ‘apprendre’ |
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En partant de ’ma ‘maison, salle’ et kodraru ‘manger’, se ‘se baigner’, hmijoc ‘sacré’, comment dit-on à votre avis ‘temple’, ‘salle à manger’ et ‘salle de bain’ en nengone ?
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Réponse |
On trouve dans le lexique des mots simples et des mots construits. Les mots simples sont insécables en segments significatifs plus petits. Les mots construits sont décomposables en unités significatives plus petites. C’est ce que nous allons voir à présent.
’mak’odraru |
salle à manger |
Les exemples ci-dessus sont des mots composés. La composition revient à combiner deux mots pour construire une nouvelle unité lexicale (exemple en français : garde-manger, mange-tout, lave-linge, porte-monnaie...). Les éléments en composition peuvent être soit simplement juxtaposés, soit reliés par une préposition (comparez par exemple en français : lave-linge et machine à laver ; ce sont deux mots composés, mais le second comporte une préposition). Comme le français, le nengone utilise ces deux procédés pour accroître son stock lexical. Les éléments lexicaux peuvent être :
- soit simplement juxtaposés.
’mayeno |
école ( ma ’maison’ + yeno ’apprendre’) |
’mak’odraru |
boîte de conserve (cenge ’contenant’ + ia ’viande’) |
’mase |
coutume d’arrivée (littéralement ’contre-don vie’) |
- soit reliés par une préposition (re ou ni).
’ma re cum |
garderie (littéralement ’maison pour surveiller’) |
k’oe re irue |
bâtiment de guerre (littéralement ’bateau pour se battre) |
k’age ni puaka |
parc à cochon |
L’écriture du nengone n’utilise pas de trait d’union. Les éléments d’un mot composé sont soit séparés par un espace (exemple : cenge ia ’boîte de conserve’), soit accolés (exemple : ’mayeno ’école’). |
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La dérivation affixale
Observez les exemples suivants : |
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boire des médicaments (pour se purger) |
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faire boire des médicaments (pour purger) |
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traiter qqn comme un enfant, infantiliser |
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À votre avis, comment dit-on ?
- ’rendre petit, réduire’, sachant que ’petit’ se dit waamì - ’rendre grand, agrandir’, sachant que ’grand’ se dit hma - ’baigner qqn, donner un bain’, sachant que ’se baigner’ se dit se
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Réponse |
waamì ’petit’ |
awaamini ’rendre petit, réduire’ |
hma ’grand’ ’ |
ahmani ’rendre grand, agrandir’ |
se ’se baigner’ |
aseni ’qqn, donner un bain’ |
Pour fabriquer de nouveaux mots, le nengone utilise, outre la composition, le procédé de la dérivation affixale. On distingue les types d’affixes selon leur point d’attache avec le radical :
- les préfixes sont fixés avant le radical. Ce sont les plus nombreux :
hele ’sabre d’abatis’ |
guhele ’couteau’ |
titew ’volaille’ |
watitew ’poussin’ |
k’onek’atu ’aider’ |
nek’onek’atu ’aide, adjuvant’ |
meneng ’demeurer’ |
hnameneng ’habitation’ |
- les suffixes sont fixés après le radical :
buic ’ils/elles’ |
buicengo ’ils/elles’ (forme respectueuse) |
sibo ’demander’ |
siboto ’demander’ (forme respectueuse) |
- les circonfixes sont fixés à la fois avant et après le radical :
gada ’petit’ |
agadani ’rendre blanc, peindre en blanc’ |
hma ’grand’ |
ahmani ’agrandir ; honorer’ |
Dans les exemples introductifs et ci-dessus, le circonfixe a-…-ni permet de fabriquer des verbes transitifs et factitifs à partir de pratiquement tous les mots du lexique. Soit X une notion quelconque, a-X-ni signifie ‘rendre X, faire X’. |
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La dérivation par réduplication
Observez les exemples suivants : |
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tirer, traîner à plusieurs reprises |
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Qu’arrive-t-il à la forme des mots et quelle incidence cette modification a-t-elle sur leur sens ?
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Réponse |
Pour accroître son lexique, le nengone utilise également la dérivation par réduplication. Ce procédé consiste à redoubler partiellement ou totalement le radical. Lorsque le redoublement est partiel, il n’affecte que la première syllabe du radical :
k’ek’ed |
soulever à plusieurs reprises |
kukur |
tirer, traîner à plusieurs reprises |
c’icin |
ramasser plusieurs choses |
Lorsqu’il est total, c’est tout le radical qui est redoublé :
Parfois, le redoublement s’accompagne d’une modification du timbre de la voyelle :
t’et’e |
à plusieurs reprises |
lele |
éplucher à plusieurs reprises |
rered |
taper à plusieurs reprises |
Comme en témoignent les exemples ci-dessus, la réduplication exprime le plus souvent un accroissement quantitatif, souvent accompagné d’un atténuement en intensité. Ainsi, shota s’emploie pour un bond et shotashota pour plusieurs petits bonds successifs. |
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La dérivation par réduplication
Pour en savoir davantage sur la morphologie lexicale du nengone, reportez-vous au premier chapitre de la thèse de Suzie Bearune (2012).
Les trois procédés que nous décrivons dans cette leçon s’emploient également en français pour fabriquer des mots construits. Composition : machine à laver, lave-linge ; Dérivation affixale : partir -> repartir. On trouve aussi des exemples de formes rédupliquées : bonbon, pousse-pousse, train-train… Ce procédé est cependant moins productif en français qu’en nengone, ou que dans les langues océaniennes en général, et il s’emploie davantage dans le langage enfantin ou familier (exemples : dodo, baballe, mémère). |
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